Le ras le bol de la bonne élève

On m'a dit "fais des études et tu aura un beau métier qui t'offrira de belles conditions de vie". 

J'ai fait des études, longues, 9 ans pour être exact. j'ai passé un doctorat. ...et donc j'ai un emploi précaire en CDD payé 2000€ par mois après 10 ans d'expérience.

On m'a dit "il ne faut pas rechigner à la tâche, tu trouves un poste tu le prends. On ne profite pas du chômage"

Après mon doctorat, j'ai accepté un poste à 2h30 de train de chez moi. J'y suis allées tous les jours pendant 2 ans et demi (3 ans de contrat mais 6 mois d'arrêt pour grossesse). 

J'ai ensuite démissionné pour trouver un emploi plus proche. 1h de route. 

On m'a dit "avoir des enfants ne doit pas arrêter la carrière des femmes, en France on a un système de garde qui fonctionne bien". 

J'ai laissé mes bébés à 3 mois pour l'une et 2 mois et demi pour l'autre chez des nounous que je n'avais pas vraiment choisi (on a le choix entre celle qui veut bien de votre contrat et celle qui n'en veut pas en fait). 

On m'a dit "les femmes n'ont pas à prendre des temps partiels, elles doivent pouvoir mener de front une carrière et leur vie de famille."

Alors j'ai travaillé à 100%. 

On m'a dit "être maman c'est être présente pour ses enfants."

Alors j'ai posé des jours de congés pour accompagner les classes à la médiathèque, aider la maîtresse à faire certaines activités, j'ai peint des décors pour les spectacles de danse. 

On m'a dit que je pouvais tout faire, alors j'ai essayé. 

On ne m'avait pas dit la fatigue, le sentiment d'être pressurisée en permanence, l'absence de reconnaissance et les bâtons dans les roues qu'on me mettrai systématiquement. 

J'ai rempli toutes les cases : études, emploi, enfants. La société nous enjoint à faire tout cela. 

SAUF QUE...

Sauf que travailler à 100% avec des enfants impliquent de les laisser toutes la journée à des personnes en qui vous n'avez finalement pas entièrement confiance car personne ne les contrôle, personne ne les forme. 

Sauf que prendre un emploi sans rechigner implique des trajets, des compromis qui pèsent sur la santé. 

Sauf que être une maman qui travaille c'est s'entendre en permanence dire qu'on n'est pas une bonne mère (par les mères au foyer qui vous explique qu'elles n'ont "pas fait des enfants pour que d'autres s'en occupe", par le milieu scolaire qui "regrette de votre fille soit à la garderie aussi souvent car elle est fatiguée", par ma belle-mère qui m'explique que si "Rose est compliquée et a des soucis pour dormir c'est parce que tu as retravaillé trop tôt"). 

Le questionnement sur les rythmes scolaires aura été la goutte d'eau qui fait déborder un vase déjà beaucoup trop plein. 

Je n'en peux plus de devoir me justifier de travailler, d'avoir des modes de gardes, de poser des question du style "mais si les enfants n'ont pas école le mercredi, comment les modes de gardes seront-ils organisés?" alors que personne ni à la mairie, ni dans les écoles, ni parmi les parents élus, n'a pensé au mercredi (les mamans? les grands-parents?). 

Je n'en peux plus que les politiques m'expliquent que le travail c'est une libération, une manière de trouver de la dignité...et organisent la société en semblant penser que le travail-qui-libère c'est pour les mecs, "les femmes n'ont qu'à gérer leurs gosses le mercredi et les vacances scolaires et après 16h45 et à la pause méridienne aussi si elles veulent que leurs gamins mangent bien à la cantine". 

Parce que que oui, c'est ce que j'entends

quand je dis  "mais on fait comment pour les mercredi? pour les parents qui travaillent, les enfants vont se lever quand même pour aller en centre aere et cela va avoir un coût." et qu'on me dit que c'est à eux de se débrouiller

quand je dis "il y a peu d'enfants en centre aéré pendant les vacances, vous savez pourquoi?" et qu'on me réponds "les parents préfèrent garder leurs enfants"

quand je dis "nous faisons des efforts à la maison pour que les enfants mangent bio et fait maison. je ne trouve pas normal qu'à la cantine ils mangent des plats sans goûts, fait avec des produits premiers prix" et qu'on me répond "c'est trop cher de faire autrement. Et puis vous savez en maternelle (ma cadette est en maternelle), peu d'enfants mangent à la cantine". 

Alors oui, la "maman-travaille" elle en a marre qu'on dise dans les meeting politiques "c'est comme elle qu'il faut être" mais qu'en vrai on lui mette des bâtons dans les roues constamment. 

Voilà, c'est encore un jour où j'ai envie de démissionner

(promis je retrouve vite un ton plus enjoué dans mon blog, mais là, c'est trop)

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