Dire que l'on va bien n'est pas si évident. En tout cas pour moi.

Il y a eu les doutes. Depuis toujours. Sur tout. Et plus spécialement depuis 5 ans. Peur de ne pas y arriver, peur de ne pas être la mère idéale, peur de ne pas réussir à leur transmettre des valeurs essentielles à mes yeux. Cela aurait-il été différent si elles avaient été des garçons? je ne sais pas. Vraiment. Même si j'ai souvent eu le sentiment de devoir être un modèle à leurs yeux. Peut-être que c'est en cela qu'être la maman de deux filles m'a toujours semblé spécifique : j'étais le modèle de femme. Celle qu'elles voudront imiter ou rejeter, voir un peu des deux.

Et puis depuis 2 ans il y a le manque de sommeil. On s'en sort progressivement mais ce fut long et ça laisse des traces. J'ai cru plusieurs fois sombrer. Je me suis rattrapée in extremis. J'avais le sentiment d'être un équilibriste pas très à l'aise sur sa corde. il m'est arrivée de me dire que sauter serait la solution. Il m'est arrivée aussi à plusieurs reprise de penser que j'étais sauvée et que maintenant tout irait bien.

Il y a eu ceux qui essayait de soutenir, mais ils étaient peu nombreux. Une mère doit être forte n'est-ce pas? Elle doit être épanouie.

Il y a ceux qui n'ont pas vu et ont continué à vivre à côté de moi comme si de rien n'était.

Il y a cette copine qui a accouché en même temps que moi et qui s'est éloignée (ou dont je me suis éloignée, je ne sais pas) car elle ne comprenait pas que je puisse ne pas ressentir le même épanouissement qu'elle.

Il y a ceux qui ont profité de ma faiblesse pour prendre des places qui n'étaient pas les leurs et m'affaiblir encore plus.

Il y a ceux qui m'ont expliqué que je n'avais pas à me plaindre car j'avais la chance d'être maman...juste au moment où j'avais juste envie de passer les filles par la fenêtre.

Car oui, il y a eu les moments où seule ma raison m'a empêchée d'être violente. Je sais maintenant qu'on peut avoir envie de secouer un bébé qui pleure toute une nuit sans s'arrêter, je sais qu'on peut avoir envie de donner des fessées pour faire mal, juste pour évacuer la douleur que l'on ressent en nous de ne pas y arriver. Je ne l'ai jamais fait. J'ai toujours su m'isoler et les isoler dans ces moments là. Mais le simple fait d'avoir ressentie cette envie m'a hanté.

Il y a eu les médecins plus ou moins aidants.

Il y a eu les pleurs, seule dans la salle de bain.

Il y a eu les questions lancinantes : mais pourquoi Rose ne dort-elle pas? Mais pourquoi Fleur fait-elle de telles colères?

Il y a eu les doutes : et si Rose était allergique au lait de vache? Mais pourquoi aucun médecin ne le voit?

Il y a eu cette visite chez le pédopsychiatre pour Fleur. Nous y allions pour trouver des "trucs" pour calmer ses crises d'angoisses et ses colères, nous avons obtenu un destructeur "Votre fille a un vrai problème d'attachement"

J'ai lu tout ce que j'ai pu trouver sur la théorie de l'attachement. Et j'ai pleuré encore. Quelle mère étais-je pour faire subir cela à ma fille? Je me suis sentie maltraitante.

En parallèle, j'ai décidé de voir moi-même une psychologue. En plus de mon mal-être, j'avais développé des crises d'angoisses très invalidantes (imaginez-vous : un jour au travail. Subitement le stress monte, vous vous retrouvez littéralement paralysés de peur, le souffle court, avec des sueurs. rien à faire. Respirer pour essayer que ça passe. et ne pas pouvoir réfléchir avant au moins 2h).

J'ai pleuré. beaucoup.

Elle m'a secoué, pas mal. Avec bienveillance mais elle m'a amenée à réfléchir à ma manière de sentir les choses.

6 mois pour changer c'est court et c'est long à la fois.

et puis il y a eu ce jour, il y a 1 mois où en arrivant dans son cabinet à la question "comment allez-vous?" j'ai répondu "je vais bien...enfin je crois. Oui je crois que je vais bien".

J'ai repris rendez-vous quand même. 1 mois plus tard. je n'étais pas encore prête à dire "je vais bien".

Et puis il y a quelques jours j'ai répondu "je vais bien. je crois que c'est notre dernier rendez-vous".

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