Le jour où j'ai réalisé que l'antisémitisme existait (encore)

Je ne suis pas juive. C'est un fait. Ni positif, ni négatif. Un fait.

Pendant longtemps, j'ai cru que c'était fini. Après tout, on a tous compris que c'était stupide non? 

Alors j'écoutais de loin les faits divers qui parlaient d'antisémitisme, me disant "ouai bon, ça va hein, faut pas non plus, parce que la personne est juive, en faire un acte antisémite. D'ailleurs il aurait pu m'arriver la même chose". Parfois c'était sans doute vrai. Parfois non. 

Je ne suis pas juive alors je ne me suis jamais posée la question de ma sécurité en tant que juive. 

J'ai habité pendant quelques temps dans un quartier qu'on disait "juif". C'était surtout un quartier qui était à proximité d'une synagogue. Je voyais des hommes en kippa le vendredi. On nous a même demandé un jour d'éteindre les lumières dans la salle attenante à la synagogue. C'était un vendredi soir et shabbat avait commencé. On a fait le tour des pièces, on a tout éteint. Pourquoi pas. Même si à titre individuel, je ne suivrais jamais ce type de "commandement"/ de "principes" (je ne sais pas comment appeler cela). Si cela leur semble important, pourquoi pas. 

Enfin tout ça pour dire que pendant longtemps, j'ai vraiment cru que l'antisémitisme était de l'histoire ancienne. 

Et puis il y a eu Merah. Et cette petite fille tuée à bout portant. Là je ne pouvais pas ne pas voir que cela n'aurait pas pu m'arriver à moi, que cette petite fille (et les autres victimes) étaient mortes car juives et sans aucune autre raison. 

Puis il y a eu l'attentat de l'hyper casher. 

Mais quand même, quand on ne veut pas voir, on ne veut pas voir. Alors je me voilais la face en me disant que certes il y avait des actes antisémites mais que les auteurs de ces actes étaient une petite partie très spécifique de la population. 

Et puis je suis devenue enceinte d'une petite fille. Alors que nous cherchions des prénoms, son père m'a dit "et pourquoi pas "Rose"?"

"Rose" n'est pas le prénom de ma fille (comme Fleur n'est pas le prénom de son ainée, je tiens à leur anonymat).

Rose porte un prénom juif. Un beau prénom. Un prénom très peu commun. Un prénom que nous avons choisi car nous aimons sa sonorité. Un prénom qui a une signification en Yiddish, mais qui pour nous est juste beau. 

Et alors que je parcourais le net à la recherche d'information sur ce prénom, je me suis posée une question. Toute simple. "Mais si on donne un prénom juif à notre fille, est-ce qu'elle ne risque pas d'être discriminée?"

Et là j'ai réalisée que l'antisémitisme existait encore en France. Sinon, jamais je n'aurais eu à me formuler cette question. 

On ne réalise pas toujours la discrimination avant d'en être victime soi-même (ou d'en être une potentielle victime).

Alors aujourd'hui, je pense à Mme Knoll, dont il semble que ce qui lui est arrivé n'est pas arrivé "par hasard" sur une une personne juive, que non "ça n'aurait pas pu arriver à d'autre et alors on aurait pas dit que c'était antisémite".

Et vous, vous l'avez déjà vécu / vu cet antisémitisme? 

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