Se débarrasser de ces étiquettes qui façonnent nos vies
Rose adore faire des puzzle. En ce moment, chaque soir avant qu'elle ne se couche, nous faisons un puzzle toutes les deux. J'y prends plaisir aussi. Récemment je m'étonnais d'aimer autant faire des puzzle avec elle alors que "les puzzles cela n'a jamais été mon truc, c'était plutôt ma sœur qui aimait ça".
Et puis j'ai réalisé que ce n'était pas moi qui disait cela, mais ma mère.
Ma mère a toujours eu tendance à mettre des étiquettes : j'étais scolaire, ma sœur était rêveuse, je lisais, ma sœur faisait des puzzle, j'étais faite pour parler en public, ma sœur était timide, j’étais une ambitieuse, ma sœur était faite pour être maman.
D'où venaient ces étiquettes? bien souvent d'un moment anodin où nous avions dit ou fait quelque chose qu'elle retenait ensuite comme un trait de caractère inébranlable.
Par exemple, ma sœur avait dit à 4 ans que ce qu'elle voulait faire plus tard, ce serait "maman"...elle était devenue la petite fille qui serait mère au foyer.
J'avais eu du mal à apprendre à tricoter alors que ma sœur avait appris dans l'heure. J'aimais lire et pas ma soeur = j'étais l'intellectuelle gauche et elle était la manuelle pas intellectuelle.
Il y avait chez nous un étiquetage qui faisait de moi l'intellectuelle qui ferait de grandes études et aurait un métier brillant, tandis que ma sœur ferait des études courtes et ensuite s'occuperait de ses enfants.
Dans les faits, ce n'est pas complètement faux. J'ai fait des études longues et j'ai un métier considéré par mes parents comme prestigieux. Ma sœur a fait des études courtes mais elle a un métier tout aussi intellectuel que le mien et elle n'a jamais arrêté de travailler à la naissance des enfants.
Mais ces "destins" étaient-ils tracés d'avance?
Je pense que non. Il me semble que plus que nos capacités, notre caractère, ou tout autre chose que l'on pourrait considérer comme innée, ce sont les étiquettes qui nous ont été attribuées enfants qui ont façonné nos vies.
Je ne sais pas ce qu'il en est pour ma sœur, mais pour ma part, quand je dois faire une activité manuelle, j'ai cette petite voix en moi qui me dit : "pas la peine d'essayer, je sais pas faire." (d'où le fait que j'ai été particulièrement fière de moi quand j'ai réussi à peindre une pièce!)
Et pourquoi? J'ai une main gauche et une main droite, j'ai un cerveau, j'ai la capacité d'apprendre. pourquoi serais-je dans l'incapacité de faire de la cuisine, de la couture, de la déco, du bricolage?
Cette voix, c'est la voix de ma mère. De celle qui espérait pour moi de grandes études et m'a soutenu dans cette voix, mais qui n'a jamais voulu m'apprendre à coudre (elle était couturière de métier) parce que "tu n'y arrivera pas".
J'essaie de ne pas reproduire la même chose avec mes enfants. Mais déjà je me rends compte que nous (et notre entourage) leur collons des étiquettes.
Et pourtant, quand nous sommes à l'écoute, nous réalisons que ces a priori que nous avons sur eux sont faux.
Par exemple, Rose que nous considérons comme "n'ayant peur de rien", "fonceuse", "pas timide", est assez timide dans le milieu scolaire ou au centre aéré au point qu'elle est capable de passer la journée au centre aéré sans ouvrir la bouche. Elle, que nous voyons comme sure d'elle a passé sa journée a douter d'avoir sa médaille au ski (celle de la garderie, celle que TOUS les enfants ont).
Et Fleur que nous voyons comme "timide", "impressionnable", "angoissée", "peu confiante en elle" est invitée à tous les anniversaire de sa classe et est vue comme drôle et solaire par les mamans des copines.
C'est compliqué d'essayer de ne pas "mettre des étiquettes" aux enfants car d'instinct nous classons, nous caractérisons. Cela nous rassure de pouvoir définir tel ou tel trait de caractère, cela nous donne l'impression de bien les connaitre.
Et pourtant nous sommes tous bien plus que ce que nous laissons voir.