Adieu Madame
D'elle, bien sûr, j'ai d'abord connu cette image :
Son chignon, sa tenue impeccable et son collier de perle.
1975 loi permettant la légalisation de l'avortement.
Et puis il y avait aussi cette photo
Souvent légendée ainsi : "Simone Veil pleure après les attaques pendant les débats sur la loi pour la légalisation de l'avortement".
Elle a dit ne jamais avoir pleuré. Elle a dit que cette photo avait été prise à un moment où, au petit matin, après des débats qui avaient duré toute la nuit, elle était fatiguée et se frottait les yeux. Mais rien n'y fit. Cette photo continua à être légendée "Simone Veil pleure". Parce que c'est bien connue, une femme face à l'adversité...pleure. On dit bien "pleurer comme une fillette".
D'elle j'ai lu ce discours prononcé face à une assemblée presque exclusivement masculine, ce discours où elle parle du corps des femmes.
J'ai fait étudier ce discours à mes étudiants. J'ai vérifié les chiffres donnés...et n'ait pas trouvé d'erreurs (ce qui est rare dans les discours politiques).
Pendant longtemps, elle n'était pour moi que la femme de ce discours, celui qui avait donné aux femmes le droit de posséder leurs corps. "ces histoires de bonnes femmes" comme disait Jacques Chirac alors 1er ministre. Et puis un jour, j'ai lu son autobiographie.
J'avais 20 ans. Je découvrais qu'avant le petit chignon, la blouse impeccable et le collier de perle, il y avait eu Auschwitz, il y avait eu Bergen-Belsen, il y avait eu un mariage jeune (19 ans), des enfants, des études de droit, un poste de magistrate et enfin la politique. J'ai découvert qu'après ce discours, il y avait eu le rêve européen.
J'ai découvert la femme qui se tenait derrière ce pupitre de l'assemblée.
Cette femme a toujours été, et est toujours un modèle pour moi. Elle m'a dit "vas-y, toi aussi tu peux faire des études, tu peux te marier, avoir des enfants, avoir un emploi considéré."
Et aujourd'hui, alors qu'en ce moment je baisse un peu les bras tant les tâches à assumer pour "tout avoir" me semblent insurmontable, j'apprends sa mort. Et je sais que je vais relever la tête parce qu'elle a su me montrer que "tout était possible".
MERCI MADAME.
ADIEU MADAME