voter n'est jamais inutile
Le rituel était invariable. Le dimanche, en fin de matinée, avant le déjeuner et après être allées au marché, nous marchions jusqu'à la mairie de votre village où ma mère allait voter. Invariablement, nous allions avec elle. Sur le trajet, elle parlait peu. Je me dis maintenant qu'elle réfléchissait peut être au bulletin qu'elle mettrait dans l'urne. Car pour ma mère voter était quelque chose d'important.
A la mairie, elle allait directement dans l'isoloir car jamais elle ne prenait les bulletins disposés à l'entrée sur la table. Elle emmenait toujours ses propres bulletins. "pour le secret du vote" disait elle. (Moi aujourd'hui je prend un malin plaisir à ne prendre que certains bulletins pour insister sur le fait que jamais oh grand jamais je voterai certains partis.)
Nous n'avions jamais le droit d'aller avec elle dans l'isoloir.
Quand elle ressortait, elle devait attendre devant l'urne pour pouvoir mettre son bulletin devant et nous, nous trouvions cela drôle qu'on l'appelle par son nom de jeune fille.
Sur le retour, elle nous disait toujours à quel point c'était important de voter, que c'était un acquis qu'on pouvait un jour nous enlever. Elle insistait surtout sur le fait que les femmes n'avaient pas le droit de vote depuis longtemps. Elle me disait qu'il fallait aller voter, même si on ne savait pas quel bulletin mettre. Que si aucun candidat ne nous plaisait il fallait mieux mettre un bulletin blanc que de ne pas se déplacer "parce que si un jour quelqu'un veut nous retirer le droit de vote, si on n’apparaît jamais sur les liste comme ayant voté, on ne pourra pas se plaindre de ne plus avoir le droit de le faire".
Aujourd'hui, je vais aller voter. J'y vais pour défendre mes idées. J'y vais aussi pour défendre le droit de vote. Nos acquis ne sont pas indéboulonnables. Pensons y.