Quand super maman est à bout

ça couve depuis des mois. 

Je le sens bien. 

Super maman est fatiguée. Fatiguée physiquement mais aussi épuisée moralement. Ce n'est pas facile de réaliser que je changerai pas le monde, que je ne peux pas avec mes petites mains de maman aimante faire en sorte que mes enfants vivent dans un monde vivable d'un point de vue humain et climatique. 

J'ai essayé pourtant. Je me suis donnée. A peine maman, je me suis inscrite dans un parti politique. Je voulais changer le monde. Impulser une politique humaine, un monde ouvert, un monde bienveillant. Bref j'avais des idéaux. Et j'ai découvert l'envers des partis : des hommes (à 99%) qui rêvent de carrière, de bonne place et qui n'ont d'idéaux que ceux qui leur permettent d'y accéder. 

J'ai ensuite voulu m'investir dans l'associatif. J'ai commencé avec une association culturelle dont le but était d’amener la culture dans des lieux où elle n'était pas. Je n'ai pas adhéré longtemps, ça ne me parlait pas. Mais j'y ai rencontré des personnes intéressantes avec qui j'ai sympathisé et qui m'ont vite entraîné dans une association écolo. J'ai trouvé ma voie. J'allais sauver le monde en sauvant la nature, en inversant les courbes de température de la planète. J'ai développé l'idée qu'il fallait s'adresser aux habitants de notre commune avant de s'adresser au maire et autres politiques. Nous avons mis en place des réunions de quartiers, nous avons parlé compost, zéro déchet, colibris. Ca a pris et j'étais fière. Pas fière pour ma petite personne, non. Fière de voir tous ces gens qui changeaient leurs habitudes, fière de voir une jeune femme s'investir dans le développement d'une épicerie vrac sur la commune. Ca prenait et nous allions changer le monde. J'étais bien partie, j'en étais sure. Je remplissais mes bocaux sous l’œil moitié amusé, moitié désespéré de Paparose. Je sauvais le monde. 

Dans le même temps, je me suis investie comme parent d'élève. Parent élu, mais aussi membre de l'association. Batailler avec la commune pour un meilleure nettoyage des locaux de l'école et développer des actions pour rapporter de l'argent à la coopérative scolaire. 

J'étais sur tous les fronts. 

Mais je sauvais le monde. 

J'étais contente. Jamais mes enfants ne me regarderaient en me disant "et dis voir c'était sacrément la merde et t'as rien fait, t'as laissé faire et vois maintenant comment on vit"

J'ai tenu 2 ans. 2 ans à être persuadée d'aller dans le bon sens, persuadée que tout pourrait changer, que les gens avaient compris, qu'on allait, par la politique du colibri changer les choses et amener les gouvernement à changer. 

Déjà en 2017, j'ai vacillé. Les colibris, finalement ils n'étaient pas assez nombreux pour que la finance ne rencontre pas le nationalisme aux élections présidentielles. Mais j'ai voté pour que le rejet de l'autre ne soit pas notre programme. Visiblement c'était dans tous les programmes. 

Puis il y a eu le peuple dans la rue. Le peuple en jaune qui, même si on essaie aujourd'hui de les récupérer dans la cause verte, n'a pour la plupart pas grand chose à faire de la température de la terre. Parce que, non, fin de mois et fin du monde ne peuvent pas être le même combat. Tu t'en fous un peu de la fin du monde quand tu ne sais pas quoi manger à la fin du mois. Et c'est pas mon père qui mettait du glyphosate sur ses patates pour qu'on ait de quoi manger tout l'hiver qui t'aurais dit le contraire.

Et là j'ai commencé à regarder autour de moi et à réaliser que les colibris n'étais pas si nombreux que ça. Toujours les mêmes d'ailleurs. Souvent des femmes. 

J'ai lu le livre de Jérémie Pichon (Famille en transition écologique) qui m'a fait mesurer la marche énorme qu'il me restait à franchir avant d'être neutre au niveau carbone (même si j'ai déjà deux points positifs : je n'ai pas d'argent en banque et je n'ai pas pris l'avion depuis 2012). 

Et j'ai commencé à me dire que je ne sauverais pas le monde. Que mes enfants vivront dans un monde que je n'aurais pas connu, celui qui fera au mieux 2° degrés de plus, celui des murs qui s'érigent pour ne pas voir les réfugiés climatiques, et qui sait peut-être celui des guerres aussi. 

Et j'ai paniqué. 

J'ai essayé de gérer ce que je pouvais gérer : mon logement, ma consommation. J'ai essayé de mettre de l'ordre dans la maison pour limiter de brouillard qu'il y avait dans ma tête, mais ça n'a pas suffit. 

J'ai pleuré, j'ai tempêté, j'ai crié, j'ai demandé qu'ils m'aident pour les tâches ménagères. 

J'aurais aimé qu'on m'épaule, qu'on me dise "attend là, tu ne peux pas tout gérer, je vais le faire". Pas "lâche du lest" parce que ça, ça veut dire "ça ne sera pas fait mais c'est pas grave" non "je vais le faire"

Mais rien n'est venu. 

Alors j'ai déprimé, j'ai arrêté de pleurer car ça ne servait à rien, mais les larmes étaient là présentes, tout le temps. 

Je n'étais pas wonder woman. Je ne sauverais pas le monde. 

Et puis au moment où cet article germait dans mon esprit, j'ai expliqué cela à une amie, sur un banc entrecoupée de "il a mangé du sable" et "je peux faire du toboggan". J'ai expliqué cette peur qui me bouffe au fond de moi chaque jour. Peur de ce qui les attend plus tard. Peur de ne pas avoir pu leur faire un monde comme celui dont je rêve pour eux. 

Cette peur qui me réveille la nuit, qui met une boule dans ma gorge, dans mon ventre et trop de sucre dans mon assiette. 

Et cette boule est partie. Toute seule. Juste d'avoir été verbalisée. 

Je ne suis pas wonder woman

"Ne te mets pas la pression. Se laisser bouffer ne sert à rien. Tu fais ce que tu peux c'est déjà bien"

Mais ce n'est pas assez.

Non ce n'est pas assez. Mais est-ce que je peux vraiment faire plus sans m'épuiser? Sans devenir cette mère qui crie tout le temps car son cerveau est trop désordonnée pour qu'elle supporte les culottes qui traînent? Visiblement non. 

Alors je ne sais pas. 

Je rêve toujours d'un monde meilleur pour eux. 

Je n'en ai pas les clefs. 

je vais juste essayer de faire d'eux des enfants heureux. des adultes épanouis. Ce sera déjà bien non? 

Quand super maman est à bout
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