Prendre le temps de vivre

Perdre mon père m'a dévastée.

Perdre mon père pendant ma grossesse a fait de ce moment un instant étrange et hors du temps. Des sentiments contradictoires cohabitaient en moi et je passais sans transition d'un état de détresse et de tristesse intense, à une joie absolue quand bébé bougeait. Et puis il a fallu accepter le fait que non seulement je ne le reverrai plus, mais qu'en plus il ne connaîtrait pas son petit-fils. 

2 mois après la naissance de Cèdre, j'ai toujours cette alternance de sentiments. Il y a en moi cette tristesse qui ne me quitte pas et ce sentiment de vide au creux de mon ventre. Je n'ai pas fait mon deuil. Mais fait-on son deuil comme on fait son lit : tirer un peu pour que tout soit droit, net et on n'en parle plus? 

Pourtant chaque jour je vis. Sa vie à lui a pris fin brutalement, la mienne continue, la nôtre continue. Je souris plus que je ne pleure. Mes larmes restent à l'intérieur. 

La mort de mon père est un tsunami émotionnel qui a remis en question pas mal de choses dans mes souvenirs d'enfance, mes relations à ma mère, à ma sœur, à ma famille au sens large. Il a fallu accepter des désaffections, faire avec des réactions qu'on ne comprend pas.Il y a des choses faciles, d'autres moins. 

Je n'aurais qu'un regret : la tête dans le guidon, prise par la course quotidienne, j'ai oublié de prendre soin de ceux que j'aime. Je voyais peu mon père car je n'avais pas le temps d'y aller souvent. Et je le regrette. Le téléphone, c'est bien, mais ça ne remplace pas la présence. 

En congé maternité pendant les vacances scolaires, je veux prendre le temps de profiter de leurs sourires et de leurs jeux. Je veux des câlins qui n'en finissent pas et tant pis si l'heure du coucher est passée. Je veux regarder les étoiles filantes allongée dans le jardin en faisant des vœux dont on sait qu'il ne tient qu'à nous qu'ils se réalisent. Je veux m'allonger longuement avec bébé et tant pis s'il prend l'habitude de s'endormir dans mes bras (à 18 ans, il l'aura perdu!). Je veux manger des sandwichs à 15h parce qu'on s'est levé tard et qu'on a envie de faire un pique-nique dans le salon (parce que dehors le soleil tape trop fort), je veux des cabanes et des rires. 

6 mois de congé maternité. Pour la première fois, je n'aurais pas travaillé. Besoin de me recentrer sur l'essentiel. NOUS. 

6 mois de congé maternité, c'est court et c'est long à la fois. Une demi-année pour n'être d'avec eux. 

Alors je prends le temps de vivre. En espérant garder un peu de cette lenteur quand j'aurais repris le travail et que la course quotidienne sera de nouveau ereintante. 

 

 

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